L’auto-édition : une voie de garage ?
- pluquetflorianpf
- 12 oct.
- 3 min de lecture

Aujourd’hui, n’importe qui peut écrire un livre et le publier sur Amazon en trois clics. Mais si terminer un roman fait de nous un auteur, cela ne fait pas de nous un écrivain.
Un écrivain, c’est un auteur de métier : quelqu’un qui écrit, publie et en vit. Il n’a pas besoin de passer par l’édition classique pour ça, certains auto-édités en sont la preuve. Mais ils restent une minorité.
Des auteurs comme Jupiter Phaéton ont démocratisé l’auto-édition en France et, soyons honnêtes, ils font rêver. Beaucoup s’imaginent faire fortune avec leurs ouvrages.
Amazon est devenu une arène où les auto-édités se battent pour la première place à coups d’avis assassins, de publications larmoyantes sur les réseaux et de campagnes de crowdfunding.
D’autres compensent la médiocrité de leur roman par toujours plus de décadence visuelle : couvertures tape-à-l’œil, goodies à gogo, packaging de luxe.
Et ça, c’est pour ceux qui ont compris qu’être auto-édité, c’est un investissement financier. Les autres pensent encore qu’ils peuvent tout faire eux-mêmes —écrire, corriger, illustrer — avec une IA gratuite.
Il faudrait ajouter un addendum à la définition du mot “écrivain” :
Écrivain : auteur qui maîtrise les techniques d’écriture.
L’écriture n’est pas un art inné ni un don des Muses. C’est un ensemble de techniques à apprendre, à pratiquer, à perfectionner. Et il est désolant de voir autant d’auteurs sauter l’étape de l’apprentissage avant de proposer leurs créations à la vente.
Combien de temps encore les lecteurs accepteront-ils de dépenser 20 ou 30 euros pour des livres écrits avec les pieds ? Des textes bourrés de fautes, affublés de couvertures dignes d’un vieux montage sur Photoshop.
Écrivain est un métier. Bêta-lecteur ou accompagnateur éditorial est un métier, correcteur est un métier, tout comme illustrateur, graphiste, maquettiste ou community manager. Être auto-édité signifie soit maîtriser tous ces métiers, soit engager des freelances. C’est aussi pour cela qu’un artiste-auteur doit créer une société et rendre des comptes à l’URSSAF. L’écriture devient alors une part de l’activité de l’entreprise, souvent minime. La plupart des auteurs ne peuvent pas tout gérer eux-mêmes. Si on veut s’auto-éditer correctement, il faut le faire sérieusement. On ne peut pas demander l’indulgence d’un lecteur : il paye autant qu’un livre d’éditeur.
Si vous ne savez pas faire, engagez des professionnels. Si vous n’avez pas d’argent, n’essayez pas l’auto-édition. Et au moins, maîtrisez l’écriture. C’est la base.
La réalité, c’est que 98 % des auteurs ont un autre métier et ne peuvent pas vivre de leur plume, qu’ils soient auto-édités ou édités. Même en auto-édition, il faut vendre énormément pour se dégager un revenu correct. Pour toucher un SMIC net après URSSAF et impôts, il faudrait vendre environ 620 livres par mois. L’investissement initial pour la qualité professionnelle (correction, couverture, bêta-lecture) se situe généralement entre 1 500 et 3 000 euros.
Les prix moyens sont les suivants :
Bêta-lecture professionnelle : 300 à 900 euros
Correction professionnelle : 300 à 1 200 euros
Couverture : 150 à 600 euros selon le graphiste ou illustrateur choisi
Et attention à la qualité des prestataires. Avec l’essor de l’auto-édition, tout le monde se lance dans le service. Tout comme pour l’écriture, certaines prestations se banalisent. On ne juge pas sur les diplômes, mais sur les compétences. Demandez toujours des échantillons avant de collaborer.
La lecture est à la mode grâce à BookTok, mais le nombre d’auteurs explose plus vite que celui des lecteurs. Le marché privilégie l’esthétique à la qualité littéraire. Même les nouveaux lecteurs, moins critiques, remarquent la fluidité d’une plume ou la cohérence d’une intrigue. Si on ne maîtrise pas ces techniques, on ne peut pas espérer vivre de ses ventes.
Tous ces auteurs qui publient des textes incomplets nuisent à la réputation de l’auto-édition, qui est encore trop souvent perçue comme une voie de garage pour les recalés de l’édition classique. Il est temps de hausser le niveau pour montrer que l’auto-édition est un choix de liberté créative et financière, et non une option par défaut.
Pour cela, il faut professionnaliser l’écriture, démocratiser les formations de qualité, comme aux États-Unis où les cours pour devenir écrivain sont accessibles dans les universités et ateliers d’écriture. La France, réputée pour sa culture, accuse un retard sur l’Amérique qu’on considère pourtant comme l’idiot du village . Peut-être qu’un jour, quand on cessera de voir l’écriture comme un art réservé à l’élite intellectuelle et qu’on la présentera comme un ensemble de techniques accessibles, les choses évolueront enfin.
En attendant, il existe des pépites en auto-édition, comme sur Wattpad, mais elles sont noyées sous un océan de productions médiocres. La réputation de l’auto-édition a encore du chemin à faire. Espérons que l’institut Licares et sa récente conférence des auteurs auto-édités à Paris marquent le début d’une professionnalisation durable.




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