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La Métamorphose : de Kafka à Tokyo Ghoul

  • pluquetflorianpf
  • 13 oct.
  • 3 min de lecture

Quand l’humain découvre qu’il peut devenir le monstre.


1. Le poids d’un mot : “Métamorphose”


La métamorphose, ce n’est pas juste un changement de forme.

C’est le passage d’un état à un autre, souvent irréversible, qui te fait perdre ce que tu étais sans savoir encore ce que tu deviens.

Dans la mythologie, c’est une punition ou un moyen d’échapper au destin comme ces victimes de Zeus changées en plantes pour fuir ses ardeurs.

Dans le folklore, vampires et loups-garous oscillent entre malédiction et contamination.

Chez Kafka, c’est une damnation.

Chez Ishida (Tokyo Ghoul) ou Blomkamp (District 9), c’est une crise existentielle.

C’est le moment précis où l’humain découvre qu’il peut devenir le monstre.



2. Kafka : le cauchemar de la déshumanisation


Gregor Samsa se réveille un matin transformé en insecte.

Il n’a rien fait pour mériter ça. Il ne comprend pas pourquoi. Et le monde ne cherche même pas à le comprendre.

Sa famille l’enferme, le cache, le traite comme une vermine.

Kafka peint la métamorphose comme métaphore du rejet de la différence.

C’est une histoire d’aliénation : au travail, dans la famille, dans la société.

Gregor perd son humanité non pas à cause de son corps, mais à cause du regard des autres.

Gregor ne devient pas un monstre : il découvre que les humains peuvent en être.


3. Tokyo Ghoul : Kafka au Japon


Sui Ishida, le mangaka, a clairement cité Kafka comme influence.

Kaneki, c’est Gregor 2.0 : un étudiant banal, une opération, et au réveil, il n’est plus humain. Mi-homme, mi-ghoul.

Comme Gregor, il rejette son nouveau corps, cache sa nature et se voit exclu du monde.

Mais Ishida pousse le concept plus loin : là où Kafka laissait son héros mourir sous le rejet, Kaneki finit par embrasser sa monstruosité et en faire une force.

Il souffre, oui. Mais il évolue.

La monstruosité n’est plus une perte : c’est une transformation de soi.


4. District 9 : la métamorphose comme dénonciation sociale


Wikus, bureaucrate ordinaire, est contaminé par un fluide extraterrestre et commence à muter en “crevette”, une créature méprisée.

Au début, il est l’incarnation du fonctionnaire raciste et déshumanisé.

Mais quand sa main devient inhumaine, il découvre l’autre côté du miroir.

Rejeté, trahi, chassé, torturé, il comprend enfin ce que c’est que d’être “l’autre”.

Chez Kafka, on enferme l’insecte dans sa chambre.

Chez Blomkamp, on lui fait passer un test ADN et on le démonte pour pièces.

La métamorphose devient ici un instrument politique :

elle rend visibles le racisme, la ségrégation et la cruauté d’un monde qui trie les êtres vivants selon leur apparence.


5. Le body horror : la peur dans la chair


Le body horror, c’est la métamorphose à l’état brut.

La peur du corps qui t’échappe, qui se déforme, qui devient étranger.

Kafka en est le père spirituel : Gregor, prisonnier d’une carapace qu’il ne reconnaît plus, incarne l’angoisse du corps devenu prison.

Pas besoin de sang ni de cris : juste le dégoût, la honte et le silence.

Dans Tokyo Ghoul, Ishida transforme cette horreur en spectacle viscéral : tentacules, mutations, sang et douleur. Le corps devient le reflet de la psyché en crise.

Même logique dans District 9 : la transformation physique révèle la monstruosité du système social.

La vraie horreur n’est pas le corps qui change, mais le regard des autres quand ils voient que tu as changé.


6. Métamorphose et maladie : le corps comme symptôme


Chez Kafka comme chez ses héritiers, la métamorphose ressemble à une maladie.

Elle te ronge, t’isole, t’efface peu à peu.

Gregor Samsa devient un malade dont la famille se lasse : peur, dégoût, puis rejet.

Kaneki, infecté par la “ghoulification”, devient porteur d’un tabou biologique et social.

Le sang, omniprésent, évoque la contagion, la honte, la stigmatisation : tout ce qui est enduré par les malades du SIDA

Wikus, croit d’abord qu’il peut être “soigné”.

Il cache sa main, ment à sa femme, supplie pour un remède.

Puis il comprend que celui qui est vraiment malade, c’est le monde dans lequel il vit.


7. La métamorphose : un sujet universel


Pourquoi ce thème nous obsède-t-il ?

Parce que le monstre, c’est toujours l’autre. Celui qui sort du moule.

Kafka parle de l’ouvrier broyé par le système.

Ishida parle d’un jeune homme rejeté pour ce qu’il devient.

Blomkamp dénonce une société qui choisit qui a le droit d’être humain.

Et si ça nous fascine, c’est parce qu’on s’y reconnaît tous.

Adolescence, maladie, trauma, changement de genre, burn-out, vieillissement…

À un moment ou un autre, chacun vit une métamorphose.

La peur du regard des autres : c’est universel.


8. Conclusion


Gregor, Kaneki, Wikus :trois époques, une même douleur

Trois façons de poser la même question :

“Que reste-t-il de moi quand je ne suis plus comme les autres ?”

Et au fond, la réponse est la même depuis plus d’un siècle :

Ce n’est pas le monstre qui fait peur.

C’est le monde qui le crée

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